Par : Emily
Felker
La langue française, autrefois une lingua franca européenne, est en crise aujourd’hui, selon certains. Il y a des questions qui se posent de plus en plus : est-ce inévitable que l’anglais remplacera le français dans les affaires et dans le monde du travail ? La présence croissante de l’anglais dans les médias en France est-elle simplement « cool » ou bien une véritable menace ? À quel point la domination linguistique devient-elle la domination culturelle ? Et finalement, qu’est-ce qu’on peut faire, et est-ce qu’on veut faire quelque chose pour l’arrêter ?
La langue française, autrefois une lingua franca européenne, est en crise aujourd’hui, selon certains. Il y a des questions qui se posent de plus en plus : est-ce inévitable que l’anglais remplacera le français dans les affaires et dans le monde du travail ? La présence croissante de l’anglais dans les médias en France est-elle simplement « cool » ou bien une véritable menace ? À quel point la domination linguistique devient-elle la domination culturelle ? Et finalement, qu’est-ce qu’on peut faire, et est-ce qu’on veut faire quelque chose pour l’arrêter ?
Pour comprendre l’importance de la situation, regardons
les rapports de l’Observatoire de la langue française de 2010 intitulé : « Le français, une des
grandes langues du monde ». 1 Ils expliquent comment la langue française est
en train de perdre sa place privilégiée dans les institutions européennes,
notamment au sein de l’Union européenne. Dans la Commission européenne, par exemple, seulement
12% des documents sont rédigés en français, tandis que presque tous les
documents paraissent en anglais. Et dans
le Conseil, c’est pareil : l’anglais est de facto la langue source des documents. Même si les participants des réunions et des
conférences maitrisent autant le français que l’anglais, l’anglais l’emporte
pour le travail quotidien. Donc bien que
la politique de l’UE affirme l’importance de « la diversité culturelle,
religieuse et linguistique », l’hégémonie de la langue anglaise a déjà pénétré
à l’intérieur de cette institution, au détriment du français.
Ce qui est curieux,
c’est le fait que beaucoup de français semblent très prêts à apprendre et
utiliser l’anglais. Ils reconnaissent
l’utilité de parler anglais si on veut travailler dans une grande entreprise,
ou bien en n’importe quelle profession qui nécessite la communication internationale.
Par conséquent, l’enseignement de
l’anglais en France est en constante augmentation. La vidéo ci-dessous est une bonne
illustration des avantages de l’anglais qui attirent les francophones :
Si la seule plainte était que les Français se sentaient de plus en plus obligés
d’apprendre l’anglais, il n’y aurait peut-être pas de problème. Pour les individus, être bilingue est normalement
une bonne chose, surtout à l’époque de la mondialisation. En théorie, on peut comprendre et utiliser
une langue véhiculaire au travail sans perdre sa langue maternelle. Mais ici, le problème c’est qu’en utilisant
l’anglais, les francophones sont en train d’apporter tout un nouveau vocabulaire
à leur propre langue. Comme l’influence des
Etats-Unis est très forte dans le monde du commerce et de la technologie,
l’anglais commence à avoir une plus grande influence linguistique. De cette manière, l’anglais est sans doute
une menace considérable à la langue française elle-même.
Le grand risque
pour la langue française est l’invasion de nouveaux mots anglais, ce qui la rend
parfois presque méconnaissable. Non
seulement le dialecte du « franglais » comprend-il des mots anglais
sous une forme francisée, mais également les structures syntaxiques françaises
peuvent être anglicisées. Un dialogue banale qu’on pourrait
entendre dans une entreprise en France aujourd’hui (ce texte est relevé d’un
autre chapitre du rapport de l’Observatoire de la langue française) :
« Tu peux me débriefer sur le meeting ?
Je n’ai pas pu venir […]
— D’abord, tout le staff a donné son feedback sur
le dernier deal. […]
— Depuis que l’on a mergé, le N+1 n’arrête pas de
benchmarker nos annual reviews. Les miens étaient borderline en 2009. Enfin,
comme je vais sûrement closer un gros deal, j’espère avoir une augment.
— Au fait, il y a un call sur les ratings
demain. Mais je suis overbooké là, je te forward le mail. Keep in
touch ! »
Si ce n’est pas ridicule !
D’un côté, il semble que la tentation à incorporer l’anglais dans la langue
et la culture françaises (surtout au travail) est irrésistible. C’est facile à faire, après tout ! Mais de l’autre, certains ne renonceront pas
à leur langue sans se battre. Par
exemple, depuis 1999, l’Académie de la Carpette anglaise donne chaque anné un
prix pour « recompenser » une personnalité ou une institution en
France qui s’est distinguée par une soumission à la domination de la langue
anglaise.2,3
Faire honte à ceux qui promeuvent l’anglais aux dépens du français n’est
qu’une des stratégies possibles pour sauvegarder la langue, et peut-être ce
n’est pas la plus efficace. Mais
qu’est-ce qu’on peut faire ? Pour
le meilleur et pour le pire, l’anglais est maintenant en haut de la hiérarchie
des langues. C’est séduisant, mais
dangereux. La relation d’amour-haine
entre les francophones et les anglophones continuera à évoluer, et peut-être
dans une vingtaine d’années, on verra s’ils peuvent coexister sans que les
Français perdent leur identité.
Sources :
1. « Le français, une des grandes
langues du monde ». La langue
française dans le monde 2010. OIF. <http://www.francophonie.org/IMG/pdf/3e.pdf>.
p. 278-9.
2. « L’actualité de la langue
française ». La langue française
dans le monde 2010. OIF. <http://www.francophonie.org/IMG/pdf/4e.pdf>.
p. 292, 357.
3. « Académie de la Carpette
anglaise ». Wikipédia. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Acad%C3%A9mie_de_la_Carpette_anglaise>.
Merci beaucoup à Alessia Zulato pour ses conseils à propos du
langage !
Emily Felker is a
senior, majoring in French and Psychology at the University of Illinois. She
composed this blog entry while enrolled in the European Union Center’s Language and Minorities in Europe
(418) cross-listed course that she took to learn more about issues in language
policy and planning in France and the EU.
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