by Charlotte Prieu
Charlotte Prieu is an M.A. student in French Linguistics at the University of Illinois. She is planning on graduating in the spring of 2016 and continuing with a Ph.D. She is interested in linguistics of French rap. She wrote this blog post as a student enrolled in 418 ‘Language and Minorities in Europe’ in the spring of 2015.
Apprendre une langue étrangère n’implique pas seulement une maîtrise de la grammaire et du vocabulaire de base. Une langue se parle grâce à plusieurs registres mais aussi un bagage culturel qui sont nécessaires à une communication fluide entre les populations natives et les apprenants. Le Français ne fait pas exception.
Le Français est enseigné très largement dans le monde : le nombre d’apprenants est estimé à environ 50 millions (Francophonie.org). Dans certaines zones du monde, en particulier en Europe, dans les Amériques et les Caraïbes, le nombre d’apprenants diminue. Afin de contrer cette perte d’effectifs, des chercheurs en sciences de l’éducation tentent de trouver des solutions. Dans la province canadienne de l’Ontario par exemple, un enseignant et un chercheur ont enseigné le français à des élèves de 14-15 ans par le biais de l’art, principalement visuel et musical, dans l’idée de créer une attitude plus positive vis-à-vis de l’apprentissage de la langue et de développer leurs compétences à l’oral. Les résultats ont été très positifs concernant la confiance en eux des étudiants et leur maîtrise du vocabulaire et des structures grammaticales (Rovers).
Pourquoi le rap?
Selon Jeff Chang, la culture hip-hop, dont fait partie le rap, a bien changé depuis ses débuts dans le Bronx des années 1970. Initialement, le hip-hop était un mouvement de divertissement créé par et pour les Afro-Américains et les Latinos new yorkais. Lors de grandes fêtes de quartiers, les MC (maîtres de cérémonie) créaient une ambiance particulière en parlant sur la musique sur laquelle les danseurs inventaient de nouveaux pas, se mettant petit à petit à rimer en rythme. Cela a donné naissance au rap. Tout d’abord très localisé, le hip-hop s’est rapidement propagé sur toute la métropole new yorkaise et sur une bonne partie des Etats-Unis. Peu à peu, le phénomène se globalise et arrive en France, souvent considérée comme la deuxième nation du hip-hop, dans les années 1980.
Aux Etats-Unis comme en France, les artistes rap deviennent de plus en plus engagés et traitent de sujets de société comme l’injustice sociale, la pauvreté et les problèmes socio-économiques et culturels rencontrés par les jeunes de France, en particulier ceux dont les parents ou grands-parents sont issus de l’immigration ou de la colonisation.
C’est en raison de son caractère global, des performances textuelles et des sujets traités que de nombreux professeurs de FLE (Français Langue Étrangère) à travers le monde, notamment au Brésil et en République Tchèque, ont tenté le pari de l’utiliser pour l’enseignement du français.
Diversité stylistique et l’apprentissage du français ?
Le rap français est très diversifié dans le domaine du langage. Certains rappeurs ont ce qu’on appelle une « belle plume », Oxmo Puccino notamment, alors que d’autres utilisent la langue « des cités » : l’argot et le verlan sont de rigueur dans ces chansons au registre familier voire vulgaire.De « T’as l’seum ? » (Niro) à « Comment cela a-t-il pu advenir ? Là n'est plus la question, l'erreur est humaine, là n'est pas la réponse » (Oxmo Puccino), le rap français est riche en registres, vocabulaire et expressions.
Une des idées derrière l’utilisation du rap est non seulement de diversifier le style et le vocabulaire enseignés mais aussi d’utiliser un medium qui s’approche peut être plus des centres d’intérêts des jeunes que les lettres classiques. En 2010 par exemple, un groupe de chercheurs à l’université Karlova de Prague, en République Tchèque, a conclu, à l’aide d’un questionnaire sur le genre de musique qu’ils aimeraient écouter en classe, que les élèves étaient favorables à l’utilisation du rap dans le cours de Français.
Par ailleurs, de par leur nature parfois engagée, les éléments extralinguistiques des textes de rap français permettent aux enseignants d’aborder des sujets socio-culturels, actuels ou non, en France. Dans « Alger pleure » par exemple, le rappeur Médine raconte la guerre d’Algérie et son identité biculturelle puisqu’il se considère Français et Algérien. Cette chanson pourrait être utilisée pour parler du passé colonial de la France et du ressenti des deuxièmes et troisièmes générations issues de l’immigration. « Le fruit défendu » par le rappeur Mystik et la chanteuse K-Reen traite des relations amoureuse interraciales et interreligieuses. Dans « Laisse pas traîner ton fils », NTM évoque les conséquences qu’un manque de soutien parental pourrait avoir sur la trajectoire des jeunes des banlieues.
Les adeptes de la Francophonie peuvent également faire appel au rap des pays africains et caribéens francophones et également du Canada : au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou en Haïti, des rappeurs s’expriment sur leur quotidien par le biais de la musique. Le Canadien Vaï se focalise plus sur la rime et les « punch lines » alors que l’Ivoirien Koosh Dozone dénonce les inégalités sociales de son pays.
En attendant l’arrivée en masse sur rap dans les salles de cours, le rappeur Greg Frite explique des mots d’argots aux apprenants les plus avancés !
Charlotte Prieu is an M.A. student in French Linguistics at the University of Illinois. She is planning on graduating in the spring of 2016 and continuing with a Ph.D. She is interested in linguistics of French rap. She wrote this blog post as a student enrolled in 418 ‘Language and Minorities in Europe’ in the spring of 2015.
Crédit photo : Charlotte Prieu |
Le Français est enseigné très largement dans le monde : le nombre d’apprenants est estimé à environ 50 millions (Francophonie.org). Dans certaines zones du monde, en particulier en Europe, dans les Amériques et les Caraïbes, le nombre d’apprenants diminue. Afin de contrer cette perte d’effectifs, des chercheurs en sciences de l’éducation tentent de trouver des solutions. Dans la province canadienne de l’Ontario par exemple, un enseignant et un chercheur ont enseigné le français à des élèves de 14-15 ans par le biais de l’art, principalement visuel et musical, dans l’idée de créer une attitude plus positive vis-à-vis de l’apprentissage de la langue et de développer leurs compétences à l’oral. Les résultats ont été très positifs concernant la confiance en eux des étudiants et leur maîtrise du vocabulaire et des structures grammaticales (Rovers).
Pourquoi le rap?
Des étudiants en cours de Français regardent une vidéo du groupe NTM |
Aux Etats-Unis comme en France, les artistes rap deviennent de plus en plus engagés et traitent de sujets de société comme l’injustice sociale, la pauvreté et les problèmes socio-économiques et culturels rencontrés par les jeunes de France, en particulier ceux dont les parents ou grands-parents sont issus de l’immigration ou de la colonisation.
C’est en raison de son caractère global, des performances textuelles et des sujets traités que de nombreux professeurs de FLE (Français Langue Étrangère) à travers le monde, notamment au Brésil et en République Tchèque, ont tenté le pari de l’utiliser pour l’enseignement du français.
Diversité stylistique et l’apprentissage du français ?
Le rap français est très diversifié dans le domaine du langage. Certains rappeurs ont ce qu’on appelle une « belle plume », Oxmo Puccino notamment, alors que d’autres utilisent la langue « des cités » : l’argot et le verlan sont de rigueur dans ces chansons au registre familier voire vulgaire.De « T’as l’seum ? » (Niro) à « Comment cela a-t-il pu advenir ? Là n'est plus la question, l'erreur est humaine, là n'est pas la réponse » (Oxmo Puccino), le rap français est riche en registres, vocabulaire et expressions.
Une des idées derrière l’utilisation du rap est non seulement de diversifier le style et le vocabulaire enseignés mais aussi d’utiliser un medium qui s’approche peut être plus des centres d’intérêts des jeunes que les lettres classiques. En 2010 par exemple, un groupe de chercheurs à l’université Karlova de Prague, en République Tchèque, a conclu, à l’aide d’un questionnaire sur le genre de musique qu’ils aimeraient écouter en classe, que les élèves étaient favorables à l’utilisation du rap dans le cours de Français.
Par ailleurs, de par leur nature parfois engagée, les éléments extralinguistiques des textes de rap français permettent aux enseignants d’aborder des sujets socio-culturels, actuels ou non, en France. Dans « Alger pleure » par exemple, le rappeur Médine raconte la guerre d’Algérie et son identité biculturelle puisqu’il se considère Français et Algérien. Cette chanson pourrait être utilisée pour parler du passé colonial de la France et du ressenti des deuxièmes et troisièmes générations issues de l’immigration. « Le fruit défendu » par le rappeur Mystik et la chanteuse K-Reen traite des relations amoureuse interraciales et interreligieuses. Dans « Laisse pas traîner ton fils », NTM évoque les conséquences qu’un manque de soutien parental pourrait avoir sur la trajectoire des jeunes des banlieues.
Les adeptes de la Francophonie peuvent également faire appel au rap des pays africains et caribéens francophones et également du Canada : au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou en Haïti, des rappeurs s’expriment sur leur quotidien par le biais de la musique. Le Canadien Vaï se focalise plus sur la rime et les « punch lines » alors que l’Ivoirien Koosh Dozone dénonce les inégalités sociales de son pays.
En attendant l’arrivée en masse sur rap dans les salles de cours, le rappeur Greg Frite explique des mots d’argots aux apprenants les plus avancés !
Bibliographie
Asterová, K. (2012). La musique contemporaine dans l´enseignement du F.L.E. - Centré sur le rap français . Prague.
Chang, J. (2005). Can't Stop, Won't stop: A History of the Hip-Hop Generation. New York: Saint Martin's Press.
Fernandes, H. Y. (2013). Hip Hop au cours de FLE ? En quoi le rap peut-il intéresser l’enseignement-apprentissage des langues-cultures. Synergies Brésil n°11, pp. 141-149.
Koosh Dozone, « De l’autre côté de la rive » https://www.youtube.com/watch?v=EPMmqpH_mXg
Médine, « Alger pleure » https://www.youtube.com/watch?v=BgPigYk-YCI
Mohr, S. (2010). Exploiter des textes de rap en didactique du FLE et du FLS : perspectives et possibilit´es d’exploitation.
Mystik, K-Reen, « Le fruit défendu » https://www.youtube.com/watch?v=SM_sqL01Vxg
Niro, « T’as l’seum » https://www.youtube.com/watch?v=oDNLu3jqPbA
Rovers, A. (2013). Teaching Core French Through the Arts: Constructing Communicative.
Comments
Post a Comment
The moderators of the Linguis Europae blog reserve the right to delete any comments that they deem inappropriate. This may include, but is not limited to, spam, racist or disrespectful comments about other cultures/groups or directed at other commenters, and explicit language.