by Sean Curran
Sean Curran is an M.A. student in French Linguistics, finishing his degree in spring 2016. He is interested in vowels and dialects of French and wrote this text as a student in 418 ‘Language and Minorities in Europe’.
Quand j’avais 20 ans, j’ai eu la chance de passer un semestre et mon premier séjour à l’étranger à Nantes. On m’a logé chez une famille française qui habitait dans la région depuis longtemps. Un sujet de conversation intéressant mais conflictuel a surgi un jour entre ma mère d’accueil et moi : cette dame, une Française « de souche » parlant à la fois tout bas mais avec une fierté affectée, proclama (chuchota ?) d’un ton sérieux et digne la phrase suivante :
Les enjeux d’identité culturelle et linguistique que la question a ensuite évoqués restent importants pour moi. On pourrait croire qu’être breton exigerait que l’on parle breton, mais ma mère d’accueil ne serait sûrement pas d’accord avec moi. La ville appartenait autrefois à la région historique de Bretagne, cependant depuis l’année 1955, les Nantais ne se trouvent plus, à titre officiel, dans la Bretagne—plutôt dans la région administrativement « artificielle » des Pays de la Loire. Répondre à la question « la ville de Nantes est-elle encore bretonne ? » reste certes une tâche difficile et polémique. Il est vrai que le breton se parle à notre époque à Nantes, où à peu près 1,4 % des enfants à l’école élémentaire dans la ville, selon le bilan de la rentrée 2011 de l’Office public de la langue bretonne a été inscrit dans des écoles bilingues, soit 411 élèves : il n’y a que la ville de Rennes qui en ait davantage (OFIS-BZH).
Cependant, dire que le Nantais lambda sera de rigueur bilingue français-breton est loin d’être la réalité actuelle ou historique. Il existe à Nantes et dans le département de Loire-Atlantique des écoles bilingues, qu’elles soient catholiques et privées ou plutôt publiques. Toutefois, le rêve d’un lycée bilingue français-breton n’y a pas encore été réalisé. Puisqu’il n’y a pas de gentilé officiel (Slate) pour le département de Loire-Atlantique, ni pour les Pays de la Loire—celui ayant été proposé, ligérien, n’est trouvé dans aucun dictionnaire—il semble logique de conclure que les Nantais se verraient en tant que bretons au moins partiellement à défaut d’autres formes d’auto-identification régionale.
Maurice Lebesque, dit Morvan car ce prénom-ci est breton, est un essayiste français né à Nantes en 1911 qui s’est intéressé au cas de la « britonnité » (mot contemporain) après avoir vu une citation écrite en breton à un musée à Nantes (le titre de ce post), et sans pour autant avoir su qu’il était lui-même breton jusqu’à un âge mature. Cette manière de s’approprier une identité en se donnant un prénom breton, à force de passer des décennies à lutter pour la Bretagne est certes discutable. Il écrit dans son ouvrage Comment peut-on être breton ? le suivant, un extrait où il parle de sa reconnaissance de sa propre identité :
Sean Curran is an M.A. student in French Linguistics, finishing his degree in spring 2016. He is interested in vowels and dialects of French and wrote this text as a student in 418 ‘Language and Minorities in Europe’.
Place Royale [Image Source] |
« Sean, tu sais, d’abord je me considère femme bretonne, puis femme française, et puis alors femme européenne. »Je n’avais pas trop bien compris en quoi ces identités auraient été contradictoires. Je lui ai ensuite posé la question dont les suites auraient pu nous amener à un conflit, si j’avais su « argumenter » un peu mieux à la française :
« Alors madame, est-ce que vous parlez breton ? »À quoi elle a répondu : « bah non ! »
Les enjeux d’identité culturelle et linguistique que la question a ensuite évoqués restent importants pour moi. On pourrait croire qu’être breton exigerait que l’on parle breton, mais ma mère d’accueil ne serait sûrement pas d’accord avec moi. La ville appartenait autrefois à la région historique de Bretagne, cependant depuis l’année 1955, les Nantais ne se trouvent plus, à titre officiel, dans la Bretagne—plutôt dans la région administrativement « artificielle » des Pays de la Loire. Répondre à la question « la ville de Nantes est-elle encore bretonne ? » reste certes une tâche difficile et polémique. Il est vrai que le breton se parle à notre époque à Nantes, où à peu près 1,4 % des enfants à l’école élémentaire dans la ville, selon le bilan de la rentrée 2011 de l’Office public de la langue bretonne a été inscrit dans des écoles bilingues, soit 411 élèves : il n’y a que la ville de Rennes qui en ait davantage (OFIS-BZH).
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Maurice Lebesque, dit Morvan car ce prénom-ci est breton, est un essayiste français né à Nantes en 1911 qui s’est intéressé au cas de la « britonnité » (mot contemporain) après avoir vu une citation écrite en breton à un musée à Nantes (le titre de ce post), et sans pour autant avoir su qu’il était lui-même breton jusqu’à un âge mature. Cette manière de s’approprier une identité en se donnant un prénom breton, à force de passer des décennies à lutter pour la Bretagne est certes discutable. Il écrit dans son ouvrage Comment peut-on être breton ? le suivant, un extrait où il parle de sa reconnaissance de sa propre identité :
« Le breton est-il ma langue maternelle ?
Non ! Je suis né à Nantes où on n'le parle pas.
Suis-je même breton ??? ... Vraiment, je le crois...
Mais de pure race !!! ... Qu'en sais-je et qu'importe ?
Séparatiste ? Autonomiste ? Régionaliste
Oui et non... Différent...
Mais alors, vous n'comprenez plus :
Qu'appelons-nous être breton,
Et d'abord, pourquoi l'être ?
Français d'état civil, je suis nommé français,
J'assume à chaque instant ma situation de français.
Mon appartenance à la Bretagne
N'est en revanche qu'une qualité facultative
Que je peux parfaitement renier ou méconnaître... »
La question de base que je me pose depuis trois ans et demi est donc celle-ci : comment cela se fait qu’une famille soi-disant « bretonne, » qui a certes le droit de se l’appeler et qui, dans ce cas va jusqu’au bout—possédant quatre bagues pour les deux parents et les deux enfants de la famille, chacune gravée du blason familial historique—n’ait jamais eu la vague idée d’apprendre les bases de la langue bretonne ? En est-il que les aïeux n’ont pas pu transmettre la langue à leurs descendants ? Faut-il parler une langue pour appartenir culturellement à la région d’où elle provient ? La réponse est non : Morvan est né, je rappelle, « à Nantes, où on n'le parle pas. »
Le français que parle la famille qui m’a hébergé à Nantes n’est même pas un français à mon sens régional, rempli d’expressions parlant de la vie rurale ou pittoresque de la terre du Massif armoricain. Mais à qui le droit d’identification régionale, historique, ou héritière ? Dire qu’il faut parler la langue historiquement associée à une identité serait ignorer les faits : la seule école Diwan en France se trouve à Paris, non pas à Nantes, à Rennes, ou dans une autre ville en Bretagne. Notre époque est une époque de mixité dans tous les sens du terme, et comme en font preuve mon ancienne famille d’accueil et M. Lebesque, le choix d’identification régionale, au-delà de faits historiques que l’on peut connaître, n’est qu’à la personne en question elle-même.
Sources :
http://www.ofis-bzh.org/upload/travail_paragraphe/fichier/284fichier.pdf
http://www.slate.fr/france/74525/departement-habitants-ain-loire-atlantique
Lebesque, Morvan. Comment peut-on être breton ? essai sur la démocratie française. Le Seuil : Paris, 1970 (édition consultée datant de 2001).
Titre du blog :
Chartier, Erwan. Morvan Lebesque : le masque et la plume d'un intellectuel en quête de Bretagne. Coop Breizh : Spézet, 2007
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